Né à l’initiative du compositeur, photographe et ancien batteur du groupe Venus Thomas Jean Henri, Cabane est loin d'être un seul homme. Le projet réunit un casting de rêve sur un premier album envoûtant entre folk et pop orchestrale. Sorti en février, “Grande est la maison” a été acclamé par la critique internationale qui lui prête des airs de Nick Drake (Libération) ou encore Leonard Cohen et Serge Gainsbourg (The New York Times).
Cet hiver, il nous fait cadeau de reprises de son oeuvre par neuf artistes : Cabane est notre artiste du mois et nous avons posé quelques questions au maître de maison.
"Grande est la maison" est l'album collaboratif par excellence. Les compositions de Thomas Jean Henri, arrangées avec élégance par Sean O'Hagan, subliment des textes écrits par lui-même, Caroline Gabard (Cavalier Montanatri) et Sam Genders (Tunng). A l'interprétation se rencontrent les sensibilités de Kate Stables (This Is The Kit) et Will Oldham (Bonnie ‘Prince’ Billy), le tout ponctué du choeur de chanteuses de l’ensemble Bost Gehio, à la manière d’une tragédie grecque. Le tout est mixé par Ash Workman (Metronomy, Christine And The Queens, Baxter Dury).
Pouvez-vous expliquer la démarche derrière les remakes de “Grande est la maison” et leur place dans ce projet multifacette ?
J’ai lancé ce projet d'idées de reprises il y a un an car j’avais envie de collaborer avec des artistes que j’aimais bien avec qui j’avais pu collaborer par le passé. C'était aussi une façon de détourner l’attention de moi en ouvrant le focus sur des gens dont j’aime le travail et qui je trouve méritent d'être mis en avant.
J’ai donc trouvé que c'était une bonne idée de faire des reprises, de leur laisser totale liberté sur l'interprétation et le choix du morceau. Et puis je trouvais ça chouette que moi je fasse les photos pour illustrer les singles par un portrait d’eux : il y a une relation entre eux et moi et la personne qu’on ne voit pas, c’est moi. Ca fait une belle galerie de portraits qui est une belle manière de clôturer tout le travail autour de Cabane et de cette idée de maison.
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"Grande est la maison" est étrangement actuel. Comment vivez-vous cette période particulière et ses implications pour les musiciens ?
Comme tout le monde, on fait ce qu’on peut dans ces situations. En temps de crise, on utilise les armes qu’on a. Moi j’ai de la chance, j’ai un appartement qui est assez grand, ma copine est artiste aussi donc on peut travailler ensemble.
Pour Cabane, c’est comme pour plein de projets : l’album est un peu passé inaperçu dans certains pays car les gens étaient en confinement et même si je pense qu’il a fait du bien a beaucoup de gens. Par exemple, je n’ai pas pu organiser de concerts. C’est pas grave, c’est la vie et il faut continuer. C’est ce que je fais, je continue a créer.
Cabane est un projet collaboratif d'une rare richesse. Un mot sur votre processus créatif ?
Je fais partie de ces gens qui ont des compétences mais qui n’ont pas toutes les compétences.
Ce qui se passe généralement c’est que je compose mes morceaux à la maison mais je ne suis pas très bon en anglais donc je fais appel à deux personnes pour m’aider qui sont Sam Genders, musicien anglais du groupe Tunng et la française Caroline Gabard dont le groupe s’appelle Cavalier Montanari. On écrit et co-écrit ensemble les textes. Souvent je me dis tiens ce serait bien que ce soit cette personne qui la chante, j’entends bien sa voix dessus. L'idée c'était vraiment de collaborer à chaque fois avec une personne : je n’ai jamais réuni tout le monde en même temps.
Cabane est né en 2015, l'album sort en 2020. Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur ce parcours de longue haleine en toute indépendance ?
En fait ce n’est pas du tout long cinq ans pour faire un album ! La société fait un peu croire en ce moment que faire de la musique, composer, sortir un album et etre sur scene ca peut se faire du jour au lendemain mais ce n’est pas le cas : il faut du temps !
Donc cinq ans je n’ai pas l’impression que ce soit une si longue période : je n’ai pas de producteur donc j’ai beaucoup travaillé. J’ai fait une tournée avec Cold Blood / Kiss & Cry (projet de pièce de théâtre qui a fait le tour du monde) pendant un an et demi pour financer une partie de l’album. J’ai aussi investi une partie de l’argent que j’avais mis de côté grâce à mon travail avec Stromae.
Tout cela a permis de dégager des fonds pour produire l’album mais ça a créé aussi évidemment une lenteur dans le processus créatif. C’est aussi dû au fait de travailler avec des artistes qui sont plus connus que moi, que ce soit Bonnie Prince Billy, Kate Stables ou Ash Workman qui a mixé l’album et a travaillé avec Metronomy, Christine and the Queens etc. Ces personnes ont un agenda beaucoup plus chargé que le mien et j’ai dû m’adapter à leurs disponibilités.
Voilà c’est pour toutes ces raisons que cela a pris un peu de temps. Maintenant j’estime que pendant ces cinq ans j’ai sorti 2 singles, un album, un documentaire (ci-dessous), une série de photos avec deux expos, c’est pas si peu. J’essaie d’avoir un petit peu de bienveillance pour moi-même par rapport à ça (rires).
Fort de sa pluridisciplinarité, Thomas Jean Henri a initié un projet 360° : en plus de l’album, de ses reprises, d’une série de photographies et de clips, il est accompagné d’un documentaire (ci-dessus) qui interroge la condition d’artiste et le projet musical à travers la parole d'autres talents.