Auteure-compositrice-interprète française, Gwennyn est une artiste unique dont le style magnétique réconcilie tradition et modernité. Influencée autant par son héritage celtiques que par le pop-rock des années 90, elle tisse de sa voix suave des mélodies hors du temps en breton, anglais et français. A l’occasion de la sortie de son septième album Immram le 7 mai dernier, Gwennyn est notre artiste du mois.
Pouvez-vous présenter le projet Gwennyn (son histoire, ses influences...) ?
Gwennyn, c'est mon vrai prénom. Je me suis construite au début des années 2000 avec une envie de faire de la musique actuelle dans ma langue maternelle, le breton. Nous avons, ici, en Bretagne une identité très forte et une culture que nous avons reçu en héritage, autour de chants à danser, de gwerz (complainte), de ballade celtique très mélodieuse dont je m'inspire beaucoup et qui donne à mon projet artistique une couleur celtique bien reconnaissable. Des instruments typiquement breton (bombarde) ou irlandais (uilleann pipe, low wistle, fiddle..) viennent illustrer cette ambiance. Pour la partie arrangement, j'avoue avoir été très influencée dans les 90's par des groupes comme Massive Attack, Radiohead, etc... mais l'essentiel des arrangements vient de mon talentueux guitariste Patrice Marzin (qui a travaillé 12 ans dans l'équipe de HF Thiéfaine). Nous nous sommes entendus sur la volonté de faire sonner la musique bretonne dans une veine électro-rock, associer une danse comme l'andro à un rythme antillais, ou encore, inscrire un cantique breton -un chant religieux- dans une mélopée hypnotique très électro...
Immram (crédit : Eric Legret)
Pouvez-vous nous parler de votre dernière sortie Immram ?
Immram, qui veut dire Odyssée, est mon 7ème album. C'est un album écrit dans une certaine sérénité, car on avait comme tous les artistes des mois ininterrompus de "paix royale" pour composer, essayer des choses, prendre le temps de le produire, le tout avec beaucoup de feeling et, enfin, le sortir, débarrassés des injonctions du marketing qui peut nous faire des sorties trop précipitées... On a choisi la date du 7 mai en accord avec notre distributeur, car on voyait bien que l'étau des contraintes allaient se dé-serrer avec la venue des beaux jours car l'été en Bretagne est une période de forte activité scénique et qu'elle allait forcément nous offrir quelques scènes avant une éventuelle re-flambée de l'épidémie cet automne. A noter que nous tournons en général toute l'année en France mais aussi en Europe (Allemagne, Suisse, Espagne..) et dans le monde (Vietnam, Singapour, Brésil, Canada..), les concerts à l'étranger représentent la moitié de nos dates de tournée.
Quelle est la chose dont vous êtes le plus fière dans votre carrière jusqu'ici ?
J’hésite entre 2 grands moments : une belle première partie que j'ai assurée avec mes musiciens sur la scène de l'Olympia en 2013 ou, plus récemment, un passage sur France 2 dans l'émission "Copains d'abord en Bretagne" où j'ai emporté le public dans une énergie indescriptible. La vidéo sur Youtube a été vue plus de 1 400 000 fois et continue encore sa progression. Je pense avoir réellement touché une audience beaucoup plus large que le public celtique cette soirée-là..
Que signifie pour vous d'être une artiste indépendante ?
C'est une fonction vitale pour moi. Cela permet de maîtriser toutes les phases de production d'un album. C'est un gain de temps (quand on connaît le métier) et sans aucun doute un gain d'argent : la maison de disques ne prend que sa marge de distributeur ce qui est beaucoup plus intéressant que les simples royalties. Ce que certains artistes ignorent, c'est qu'on récupère -quand on est auteur-compositeur- la SDRM versé au moment du pressage et que l'adhésion à la SCPP nous ouvre les droits à la copie privée. Des aides existent également pour aider les producteurs à fabriquer leur disque (ADAMI, Région, CNM, SACEM etc...) Ce qui peut aider grandement à financer les coûts de fabrication. Car aujourd'hui, face à la chute inexorable des ventes, produire un disque devient à peine rentable si on vend moins de 10 000 exemplaires..
Gwennyn par Eric Legret
Vous êtes très écoutée sur les plateformes de streaming. Que pensez-vous de ce mode de diffusion de votre art et comment l'abordez-vous dans votre stratégie ?
S'emparer du streaming est impératif pour survivre dans ce monde de plus en plus connecté.
Les paramètres de production d'un album ont déjà beaucoup changé et le mouvement s’accélère depuis la pandémie. Il faut donc totalement repenser une sortie d'album. Le seul truc que le streaming n'encourage pas c'est l'idée de concept d'album, les gens ont tendance à picorer et délaissent des titres plus ardus mais non moins intéressants (qui ont besoin d'être écoutés plusieurs fois avant de rentrer dedans..). Donc, il faut jouer sur les 2 tableaux : mettre l'accent sur la personnalité de l'artiste, ce qu'elle a à dire pour inciter les gens à écouter TOUT l'album (de peur de passer à côté quelque chose) et -en même temps !- mettre en avant 2 ou 3 titres très porteurs pour satisfaire les "picoreurs". J'envisage en parallèle d'alimenter mon actualité très régulièrement sur 6 mois, via internet : sorties de clips, événements de représentation pour occuper la scène publique, faire parler, etc... parce que les écoutes streaming c'est aussi une présence réelle dans les médias, un rapport authentique avec une communauté et une forte représentation au sein d'une société et pas que "collé à l'écran d'un ordi". Tous ces outils sont complémentaires pour être identifiés dans le monde de la musique.