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Pourquoi parle-t-on d’un « revival reggaeton » ?

  • 30 novembre 2017, jeudi
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Reggaeton revival Ms Nina 2

Crédits Photo: Ms Nina - Traketeo

Parler de reggaeton en 2017, c’est évidemment évoquer le succès de « Despacito », qui a embrasé les dancefloors de la planète l’été dernier. Le tube du chanteur pop latino Luis Fonsi et du « roi du reggaetón » Daddy Yankee est le morceau le plus écouté en ligne de tous les temps, avec 4,6 milliards de vues toutes plateformes confondues selon le détenteur des droits Universal Music.

Repris en anglais par Justin Bieber, symbole de la nouvelle « pop ensoleillée », « Despacito » (qui signifie « tout doucement ») est le premier morceau en espagnol à dominer le classement du Billboard Hot 100 depuis la « Macarena ». Plus qu’un évènement, c’est un symbole des nouveaux langages en musique pop, 21 ans après le hit du trio espagnol Los Del Río sorti en 1996. On parle même de consécration. Mais « Despacito » est le fait de deux artistes, alors pourquoi parle-t-on de « revival reggaeton » ?

La popularisation du genre débute symboliquement sous l’aile de Daddy Yankee avec le tube « Gasolina » (sorti en 2004) qui encore aujourd’hui est considéré comme un hymne. L’album Barrie Fino est alors le mieux vendu des années 2000 dans la catégorie Latin et tropical (plus d’un million d’exemplaires aux États-Unis). Depuis l’apparition de Don Omar dans Fast & Furious 4 et 5 (2009 et 2011) et la percée commerciale fulgurante de Danddy Yankee, c’est aujourd’hui une jeune « relève » qui fait du genre un argument pop tout aussi apprécié du public que Kendrick Lamar ou même Rihanna.

Le « triple J » J Alvarez, Justin Quiles et J Balvin marque une génération influencée aussi bien par la trap américaine qu’un mélo romantique dont les hits se font bataille sur les charts. « 6 AM » (featuring Farruko) de J Balvin a même concurrencé le succès de « Despacito » en restant 16 semaines dans le top des charts. Fini les rythmes dembow abrasifs pour ces jeunes rappeurs, qui préfèrent à la manière d’Ozuna dans son morceau « Se preparó » être des séducteurs surfant sur une vague tropical que des bad boys en quête de ghetto cred. Farruko, qui chante en duo avec Sean Paul dans « Passion Whine », décrit sa manière de faire du reggaetón comme « fraiche et plus romantique » (que les parains du genre comme Don Omar, Daddy Yankee ou Vico C).

Si les rappeurs reggaeton d’aujourd’hui liment leur image, c’est sans grande analyse pour servir un à-propos mercatique qui préfère la séduction du public plutôt que sa provocation. Dans ce contexte où exotisme et bienveillance est un combo gagnant, une (autre) jeunesse issue de la génération internet se mêle de reggaeton pour s’exprimer.

Le reggaeton, révolu ou révolté ?

On observe donc l’existence d’un phénomène double. Celui d’une démocratisation qui, en pleine ère Trump fait « un pied de nez à toute cette politique « selon Luis Fonsi, et de l’autre à une approbation du genre dans les codes actuels de la culture alternative. À l’été 2016, le média brooklynite Remezcla publie « neo-Perreo: 15 Artists Writing Reggaeton’s Weird and Wonderful New Chapter » et liste ces artistes de moins de trente ans qui lui donnent un nouveau souffle.

On y découvre que des producteurs tels que le collectif Mexicain N.A.A.F.I. et des mini-stars Instagram mélangent sons futuristes et rythmes dembow, en séduisant aussi bien de jeunes créateurs de vêtements que des promoteurs de clubs Berlinois, Londoniens et Sud-Américains. En Espagne, le petit phénomène Bad Gyal, qui émane de Barcelone, n’a cessé de faire couler de l’encre à chaque fois qu’elle chante son patois en toute hardiesse sur des riddims traditionnellement noirs et latino. Au Chili, la tatoueuse reconvertie en cyber-chola Tomasa Del Real revendique « inverser les rôles du reggaeton » et attire l’attention du magazine américain The Fader grâce à ses idées féministes - elle incarne donc un nouveau genre antinomique : le neo-Perreo. Un exemple d’émancipation que la « Reine du Reggaeton » Ivy Queen aura tenté d’incarner mais qui sera resté dans l’ombre de stars telles que Daddy Yankee.

Nicky Jam, icône tragique du reggaeton

Cela fait bientôt vingt ans que le genre a émergé de Porto Rico mais sa popularité aux États-Unis et en Europe est relativement récente. L’explication rationnelle du succès de « Despacito » serait liée à Justin Bieber, dont l’influence aurait permis au morceau d’irradier. Détaché de ses origines, problématique et machine à fric, le reggaeton d’aujourd’hui fait comme beaucoup de sous-cultures l’objet d’une instrumentalisation en même temps qu’il sert de repère à une jeunesse en quête d’authenticité. Ou bien ne s’agit-il que d’une tendance commerciale de plus, dont l’existence n’a de fin qu’exciter les foules et les magnats de l’industrie musicale ?

Pour Nicky Jam, collaborateur de longue date de Dandy Yankee et défricheur du genre dès 1992 à l’âge de 11 ans, cet engouement explosif lui a permis d’en finir avec dix ans de dérives liées à l’alcool et à la drogue. Son nouvel album Fénix sorti en janvier dernier l’a réconcilié avec les stades du monde entier, ce qui restera le symbole de l’affadissement, voir du déclin du reggaeton. Alors, le reggaeton est-il mort ?

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