Les contrats de licence dans l'industrie musicale
- 24 janvier 2014, vendredi
Dans un précédent article intitulé “Les contrats les plus importants dans l'industrie de la musique", nous présentions succinctement la liste des principaux contrats auxquels vous pouvez avoir à faire en tant que musicien. Parmi ceux-ci se trouvent: les contrats liant les groupes, les contrats de cession de droit d'auteur, les contrats avec les sociétés de gestion collective et avec les éditeurs (voir aussi l'article "L'édition musicale"), les contrats d'engagements d'un musicien ou d'un groupe et les contrats de distribution. Dans l'article qui suit, nous aimerions vous présenter plus en détail un de ces contrats, le contrat de licence.
Contrat De Licence Pour La Fabrication Et La Commercialisation De Phonogrammes
La question de la propriété des droits sur le master ou bande mère est centrale. Si vous cédez ces droits à un label alors celui-ci préside à l'émission de la "licence de fabrication et commercialisation de phonogrammes" et contrôle ainsi qui peut et selon quelles conditions, reproduire, transmettre, vendre et diffuser l'enregistrement.
Le principe est simple: à partir du moment où vous procédez à un enregistrement, et le transposez numériquement (auparavant, la production se faisait principalement sur vinyles, d'où le nom du contrat "de fabrication et commercialisation phonographique"), alors vous créez, en plus du droit d'auteur, un droit d'exploitation, protégé. Dans notre article sur la monétisation sur You tube chez iMusician, nous mentionnons cette dualité et le fait que la lettre (P), pour phonogramme, est utilisée pour symboliser le droit d'exploitation :
"Dans le cas de la musique, deux parties peuvent en principe faire valoir des droits : 1. Le propriétaire de l’enregistrement (i.e. « soundrecording », souvent le label) et 2. Le propriétaire des droits d’auteur (i.e. « composition » et donc l’auteur et l’éditeur). Le propriétaire des droits sur le master est marqué d’un (P) pour « phonogramme », le propriétaire de la composition est marqué d’un © pour « composition ».
Puisque que nous ne parlons ici que des enregistrements que vous avez réalisés vous-même, ces droits à la reproduction (patrimoniaux en français, mécaniques en anglais) vous appartiennent. Ainsi, si vous décidez par la suite de travailler avec un/des labels, alors vous devez, en toute logique, transférer ces droits à ce/ces labels. Sous quelle forme et selon quelles conditions, ceci dépend de la négociation. Et il faut savoir que les conditions se sont profondément modifiées au cours du temps, tout particulièrement depuis l'avènement de la reproduction numérique. Certains accords ou pratiques tacites de branche sont passés à la trappe ou ont été complètement remodelés.
Contenu D'un Contrat De Licence
Les pierres angulaires d'un contrat de licence en bonne et due forme sont constituées d'un nombre fini de règles écrites : elles concernent la production à proprement parler, la définition de cette production, le territoire et la durée d'exploitation, la question de l'exclusivité, le partage des revenus issus de l'exploitation de cette licence (redevance ou royautés), et incluent les possibles avances sur paiement, de possibles sous-licences, les droits de synchronisation, les droits sur toutes les formes de merchandising, les droits d'utilisation du "livret intérieur", soit le matériel pictural ou biographique de l'auteur et, pour finir, les formes possibles de reproduction ("formats").
Comme nous l'avons dit précédemment, les conditions du contrat sont aussi et avant tout une question de négociation ; toutefois, certains paramètres sont récurrents et certains éléments du contrat sont devenus des standards dans la branche. C'est pourquoi nous aimerions vous présenter ici quelques points de vocabulaire, et quelques conseils pour la rédaction d'un tel contrat. Et ce, afin de vous éviter les écueils qui ont fait le malheur de nombreux musiciens.
- Les contractants doivent être identifiés clairement (pour les groupes, qui est le responsable juridique ou représente le groupe? Une personne unique ou tous les membres?)
- L'objet du contrat, c’est à dire l'enregistrement (le nom du projet, le titre et toutes les versions/mixes/remixes doivent obligatoirement être mentionnés)
- Les formats: dans quels formats la bande mère peut-elle être reproduite et publiée (formats physiques comme le CD etc. / formats digitaux comme par exemple le Mp3, le streaming etc.)
- La durée de validité du contrat / durée d'exploitation: ce délai dépasse rarement les 10 ans, une durée qui parait déjà exagérée. La pratique courante dans le milieu est, pour les sorties physiques, de 3 ans + 6 mois de temps d'épuisement des stocks.
- Les options: attention, à lire attentivement! Par ce biais il est possible d'augmenter sensiblement la durée d'engagement des contractants.
- L'étendue géographique du contrat: si vous le pouvez, essayez de ne pas concéder vos droits à l'international à une seule entreprise. Il est recommandé d'essayer de signer des contrats individuels avec des entreprises locales, souvent plus efficaces. Et cette règle s'applique toujours à l'ère du numérique: la promotion reste LE domaine d'expertise qui justifie la pérennité des labels.
- La cession des droits: quels droits cédez-vous exactement? Qu'acceptez-vous qu'un tiers fasse avec votre enregistrement? Sous quels formats et dans quelles conditions?
- Promotion et synchronisation: où, comment et dans quels formats la musique sous licence peut être utilisée à des fins publicitaires (exemplaires gratuits, droits de synchronisation etc.)?
- Autres droits: entre autres droits, clarifiez obligatoirement ce qui concerne la monétisation sur You Tube. Délimitez ce qui peut être fait ou négocié dans le futur.
- Redevance: à combien s'élève le pourcentage de la part des revenus qui vous revient, et sur quelle assiette est basée ce calcul? Le calcul des revenus issus de l'exploitation de la licence se base-t-il sur le prix de gros catalogue hors taxes (PGHT ou PDP pour "Published dealer price" en anglais, le prix facturé au revendeur) ou s'agit-il des revenus nets, ceux qui reviennent au label? Et comment sont calculés ces revenus en fonction des différents formats (par exemple entre sorties physiques et numériques ou dans le cas d'une sous-licence (une compilation par exemple)? L'éventail est grand, toutefois, pour indication, une redevance calculée à partir du PGHT doit être d'au moins 12%, 50% pour les sous-licences. Les labels équitables payent aussi 50% à leurs artistes pour les sorties digitales.
- Avances: souvent tentantes, ce ne sont pas forcément de bonnes affaires, comme tous les crédits. Attention si les revenus issus de l'exploitation de la licence restent en dessous de l'avance, cela peut conduire parfois à une prolongation automatique du contrat!
- Règlements: ici est défini comment, quand et à quelle fréquence le calcul du paiement et le paiement doivent être effectués. La norme dans la branche est une clôture des comptes au 30 juin et 31 décembre de chaque année puis tous les 3 mois.
- Audit: le dénommé "droit d'audit" donne la possibilité à un artiste d'engager un comptable externe agréé pour vérifier l'exactitude de la comptabilité du label.
- Garantie: il s'agit ici de s'assurer du respect du droit d'auteur et des licences adjacentes et de rappeler que le droit d'un tiers ne doit en aucun cas être violé par le présent contrat.
- Droit à l'image et sur le matériel autobiographique: le label s'assure ainsi qu'il peut utiliser l'image et les informations relatives à l'artiste dans le cadre de l'exploitation de l'enregistrement sans contrevenir au droit à l'image par exemple.
Autres Contrats De Licences Et Exemples
Dans le futur, nous vous présenterons d'autres contrats liés à l'industrie de la musique. Si vous avez des requêtes particulières ou des suggestions, n'hésitez pas à nous en faire part. Vous pouvez nous contacter sur les différents médias sociaux.
Conseil: De nombreuses sociétés de gestion collectives, syndicats ou associations proposent (souvent à la condition d'être membre) des banques de données contenant des contrats types très utiles. Certaines de ces organisations proposent aussi à leurs membres des conseils par téléphone.
Voici ici quelques liens intéressants pour plus d'informations:
- Un article du journal du net intitulé "La place du contrat de licence dans la musique"
- Documentation de l'Unesco présentant: "10 contrats pour la musique"
- Une étude de 2006 de l'ADAMI disponible sur le site de l'IRMA: "Filière de la musique enregistrée: quels sont les véritables revenus des artistes interprètes ?"
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