Qu'est-ce qu'un thérémine et comment ça fonctionne ?

La musique est une forme d'art multidimensionnelle et interdisciplinaire. Du point de vue des consommateur·rice·s moyen·ne·s, l'attention se porte surtout sur les émotions qu'elle suscite, les sujets qu'elle aborde et les communautés qu'elle anime. De leur côté, les producteur·rice·s sont souvent préoccupé·e·s par les aspects techniques de la musique et l'utilisation de la théorie pour évoquer diverses émotions. Ils ou elles le font dans un espace imaginatif et créatif plus large, communément appelé "flow".

Cependant, la musique va bien au-delà de l'art et de la créativité, car elle recoupe souvent des disciplines telles que la physique, l'informatique et l'ingénierie, ce qui permet le développement d'outils nouveaux et innovants. Parmi eux figurent des instruments de musique électronique, notamment des synthétiseurs analogiques et numériques. Ces outils utilisent des circuits et des signaux analogiques ou le traitement des signaux numériques (DSM) pour générer et manipuler le son. Leur développement et leur programmation nécessitent une connaissance approfondie du fonctionnement du son et des composants électroniques nécessaires à sa production.

Aujourd'hui, nous allons examiner l'une des inventions les plus fascinantes et les plus captivantes de la musique électronique et l'exemple parfait du croisement de la science et de la musique : le thérémine.

Le thérémine est un instrument de musique électronique contrôlé sans contact physique. Il a été développé en 1920 par Léon Thérémine (Lev Sergeyevich Termen) en URSS. Considéré comme l'un des premiers instruments électroniques, il a joué un rôle important dans l'histoire des synthétiseurs et de la technologie de la musique électronique. Aujourd'hui, les musicien·ne·s peuvent choisir parmi une large gamme de thérémines, notamment le Moog Theremini, le Burns B3 Deluxe Theremin ou le Moog Etherwave Pro Theremin, dont la production a été abandonnée. Et, avec un peu de chance et une bonne somme d'argent, ils ou elles peuvent encore mettre la main sur un rare Theremin RCA vintage de 1929. Examinons la technologie et la science qui sous-tendent l'instrument.

Le thérémine se compose de deux antennes reliées à une "boîte" dotée de boutons (un pour la hauteur et un pour le volume), d'oscillateurs, d'amplificateurs et d'un haut-parleur. Il utilise l'électricité pour produire deux circuits dont la hauteur est générée par les oscillateurs. L'un d'entre eux est fixe, l'autre est variable. Les circuits sont connectés et "traités" par les deux antennes entourées de champs électromagnétiques. L'antenne verticale est responsable de la hauteur, l'antenne horizontale est responsable du volume.

Les deux paramètres sont contrôlés par les mains d'un thérémine, qui utilise son corps pour interférer avec le champ électromagnétique créé par les antennes. L'instrument mesure alors la différence entre les oscillateurs et la traduit en hauteur. Cela est possible parce que le corps humain lui-même conduit l'électricité et stocke les charges électriques. En interagissant avec le champ électromagnétique de l'instrument, les oscillations du thérémine sont perturbées : plus la main est proche de l'antenne verticale, plus la tonalité est élevée. En revanche, la proximité de l'horizontale diminue le volume. Les signaux sont ensuite amplifiés et envoyés à un haut-parleur.

D'un point de vue technique, le thérémine implique d'autres éléments et processus qui nécessitent une compréhension approfondie de la physique, de l'électricité et de l'électromagnétisme, entre autres. En toute honnêteté, nous ne les comprenons pas complètement non plus 😋. C'est pourquoi il serait très difficile pour un profane d'en construire un chez lui. En raison de sa complexité, c'est aussi l'un des instruments les plus difficiles à jouer, ce qui explique qu'il n'ait pas connu un grand succès commercial.

Vous êtes encore un peu perdu·e ? Ne vous inquiétez pas, nous le sommes aussi. Heureusement, certain·e·s artistes ont maîtrisé l'instrument, ce qui nous permet de nous familiariser avec les sons qu'il produit. Dans la vidéo ci-dessous, Léon Thérémine explique en détail le fonctionnement de son invention :

Le son du thérémine est souvent décrit comme similaire à celui d'un violon, d'un violoncelle ou de la voix d'un chanteur d'opéra. Pourtant, en tant qu'instrument électronique, il peut produire une grande variété de sons, généralement décrits comme sinistres, obsédants et glitché. Il est donc logique qu'il ait été fréquemment utilisé dans la musique classique, plus particulièrement dans les pièces orchestrales, et dans les films appartenant aux genres de la science-fiction, du thriller et de l'horreur.

Bien que le thérémine ait été, à bien des égards, trop complexe pour connaître un succès commercial, son impact, sa valeur et son caractère fascinant sont largement reconnus dans la musique. Aujourd'hui, ses sons peuvent être trouvés dans divers VST, tels qu'Omnisphere, et continuent d'être utilisés dans la production de musique digitale et le beatmaking. Ainsi, la prochaine fois que vous travaillerez sur un rythme ou un instrument à la sonorité inquiétante, essayez d'incorporer le thérémine pour un peu plus d'effroi 👻.

Avant de partir, découvrez cette version de la chanson "The Great Gig in the Sky" de Pink Floyd jouée au thérémine.