L'histoire des festivals de musique électronique

Les festivals, en tant que spectacles de musique live, sont apparus très tôt, principalement sous la forme de célébrations traditionnelles "folkloriques", notamment les fêtes de printemps, les fêtes de la moisson, les rites de passage vers l'âge adulte, les fêtes religieuses et autres festivités, etc. L'origine des festivals, au sens commercial du terme tel que nous les connaissons aujourd'hui, remonte au début du 19e siècle et trouve ses racines dans les festivals de musique classique, puis dans les festivals de jazz de l'après-guerre (milieu du 20e siècle). Le début des représentations de musique classique est marqué par des concerts de la musique de J. S. Bach en 1829, tenus en Allemagne et dirigés par le compositeur allemand Felix Mendelssohn-Bartholdy. Visant les élites et la classe moyenne plutôt riche, les festivals de musique classique se sont développés au cours du reste du 19e siècle dans les pays européens, principalement au Royaume-Uni et en Allemagne, avec un accent particulier sur un groupe de compositeurs, dont F. Schubert, G. F. Handel, W. A. Mozart, J. Haydn et, comme mentionné plus haut, J. S. Bach.

Les circuits de festivals de jazz ont commencé à se développer dans les années 1950, tant en Europe qu'aux États-Unis. Après les deux guerres mondiales, le jazz, qui a vu le jour à la Nouvelle-Orléans dans les communautés afro-américaines, a offert aux habitants des deux continents une nouvelle perception de la culture populaire "authentique", qui avait été fortement perturbée durant la guerre. Aux États-Unis, la culture populaire a lentement fait son retour dès les années 1940 et était principalement liée aux protestations et aux mouvements contre la guerre et l'énergie nucléaire, ainsi qu'à la défense des droits civils et du travail organisé. Aux États-Unis, les festivals de folk et de jazz renaissants étaient largement dédiés à la "vraie" vie musicale américaine, généralement perçue comme plutôt primitive, traditionnelle et rurale.

La période des années 1960 a été cruciale pour les festivals de musique et leur transition vers le divertissement culturel de masse. Avec le boom économique de l'après-guerre et l'essor de l'industrie automobile américaine, les festivals et autres événements culturels sont devenus moins élitistes et plus accessibles à un plus grand nombre parmi les classes moyennes, et même à certaines classes populaires. Outre les préoccupations politiques, les nouveaux festivals s'articulaient autour de diverses questions culturelles populaires auprès des jeunes, telles que la mode, la nourriture, l'art, la littérature, etc. Ainsi, les festivals de musique ont commencé à devenir un élément important de la culture populaire de l'époque, gagnant en popularité aussi bien qu'en taille.

L'un des premiers festivals de musique "pop" a été le Monterey Pop Music Festival, qui s'est tenu en juin 1967 à Monterey et a accueilli une grande variété de stars de la musique, comme Jimi Hendrix, Otis Redding, Janis Joplin, les Who ou encore Simon & Garfunkel. Cependant, le plus grand événement musical des années 1960 a été le légendaire festival de Woodstock, organisé dans une ferme laitière du nord de l'État de New York du 15 au 18 août 1969 et qui a attiré près de 500 000 personnes au total. Le festival a proposé en tout 32 artistes différents, dont ceux qui étaient déjà présents au festival de Monterey. Parmi les plus importants artistes qui ont joué à Woodstock, citons Jimi Hendrix, Janis Joplin, The Who, Joe Cocker and the Grease Band, Ten Years After ou bien encore Crosby, Stills, Nash & Young.

En même temps, au Royaume-Uni, de grands festivals de musique se développent aussi. Parmi les festivals de pop les plus célèbres du Royaume-Uni se trouvent le festival de l’Île de Wight Festival (depuis 1967), Glastonbury (depuis 1970) ou encore Reading (depuis 1971). En 1970 le festival de l'Île de Wight a dépassé l'affluence de Woodstock, attirant plus de 700 000 participants. D'autres festivals internationaux voient le jour dans les années 1970, comme le festival canadien Strawberry Fields (1970), le Sunbury Pop Festival en Australie (1972-1975) ou le Festival Rock Y Ruedas De Avándaro au Mexique (1971).

En ce qui concerne la musique électronique, les festivals de musique mettant en vedette des instruments électroniques ont commencé à apparaître au début des années 1900, principalement parce que les sons électroniques étaient couramment utilisés dans la musique expérimentale, en particulier la musique sur bande et la musique électroacoustique. La musique électronique live se développe davantage dans les années 1950, en parallèle avec l'utilisation de la basse et de la guitare électrique. L'essor et le déclin du disco dans les années 1970 ont contribué à la formation de nombreux sous-genres importants de la musique électronique actuelle, notamment l'eurodance, la house, la techno, l'acid house, la trance, le dubstep, et bien d'autres encore. En 1988, l'acid house est devenue le genre musical le plus en vogue au Royaume-Uni, fleurissant dans les boîtes de nuit de Londres, de Sheffield, de Manchester, de Birmingham et d’ailleurs. Cependant, à cause des conflits avec la police et parce que les raves attirent plus de personnes que la capacité des lieux ne pouvaient accueillir, elles ont été déplacées vers la campagne, près des grandes villes, dans divers lieux en plein air et dans des sites industriels fermés et désaffectés. Néanmoins, l'ère officielle des raves en plein air n'a pas duré très longtemps puisque dans les années 1992-1993, le gouvernement britannique a adopté de nouvelles lois pour les interdire. Bien que ces événements n'aient pas vraiment empêché les promoteurs locaux de les organiser - ces festivités illégales en plein air se sont poursuivies tout au long de la décennie, nombre de ces raves se sont réinstallées dans des clubs déjà établis ou se sont étendues au continent européen (où aucune loi interdisant les raves n'existait).

À la même époque, les événements politiques qui se sont déroulés à Berlin, en Allemagne, ont eu, inconsciemment, un impact important sur le développement des festivals de musique électronique en plein air. Peu avant la chute du mur de Berlin en novembre 1989, au cours de l'été de cette année-là, un groupe de 150 personnes, organisé par le mouvement clandestin berlinois, a participé à une manifestation politique sous la forme d'une parade musicale qui s'est déroulée au Kurfürstendamm (Berlin-Ouest), l'une des rues commerçantes les plus luxueuses de Berlin. Bien que, officiellement présentée comme une marche politique, la parade marque le début de la Love Parade, un immense festival de musique dance électronique et une parade techno. L'année suivante, après la chute du mur et alors que la réunification allemande se profile à l'horizon, la Love Parade a de nouveau lieu, attirant cette fois environ 2000 personnes.

En 1997, la Love Parade comptait plus d'un million de festivaliers et a donc changé de lieu pour s'installer dans le parc voisin du Tiergarten, le parcours du défilé se terminant à la Siegessäule, la "colonne de la victoire". Ce festival de musique gratuit était composé de scènes et de chars avec de la musique, de DJ et de danseurs se déplaçant dans le public. Il s'est tenu chaque année à Berlin de 1989 à 2003. En 2002 et 2003 notamment, la fréquentation a considérablement diminué et en 2004 et 2005, la Love Parade a été annulée pour manque de financement. Éventuellement, la parade a connu un bref renouveau en 2007 lorsqu'elle a été organisée dans la région de la Ruhr, autour des villes de Dortmund, Essen, Duisburg et Gelsenkirchen. La dernière Love Parade, qui a eu lieu en 2010 dans la ville de Duisbourg, a été marquée par un mouvement de foule mortel. Des participants sont morts asphyxiés alors qu'ils tentaient de quitter la rampe d'accès à la zone du festival. C'était la première et la dernière fois que la Love Parade se déroulait dans une zone fermée et la rampe située au bout d'un tunnel de 240 mètres de long était le seul point d'entrée et de sortie de la zone. La tragédie a causé la mort de 21 personnes et au moins 500 autres ont été blessées. En conséquence, les organisateurs ont décidé d'annuler définitivement le festival. Cependant, en 2022, l'équivalent de Love Parade a été relancé sous le nom de Rave The Planet.

A côté de la Love Parade, le festival Mayday (depuis 1991) et le festival suisse Street Parade (depuis 1992) ont été les plus gros festivals de musique électronique en Europe dans les années 1990 et au début des années 2000. Comme les festivals urbains, ils étaient situés au milieu des grandes villes et avaient des éléments plutôt techno-futuristes et une apparence post-industrielle. Les festivals de musique électronique organisés dans les villes étaient largement à la mode dans les années 1990 et ont fini par être considérés comme des sources potentiellement lucratives de revenus et pour booster le tourisme. Les autres festivals urbains les plus populaires de cette époque sont Time Warp à Mannheim (depuis 1994), Sónar à Barcelone (depuis 1994), I Love Techno à Gand (depuis 1995), Awakenings à Rotterdam et Amsterdam (depuis 1997) ou encore Hradhouse à Boskovice (1998-2010).

Au début des années 2000, le modèle du "festival d'arts urbains" était prédominant et un grand nombre de festivals de ce type ont été créés à cette époque, notamment le Club Transmediale à Berlin (depuis 1999), EXIT à Novi Sad (depuis 2000), MUTEK à Montréal (depuis 2000) et le festival Decibel à Détroit (depuis 2003). Cependant, des festivals non urbains ont également été organisés, les plus importants étant Destiny/World Electronic Music Festival près de Toronto (1995-2012), KaZantip en Ukraine (1992-2013), Boom au Portugal (depuis 1997) et Melt ! en Allemagne (depuis 1998).

Les conférences du milieu musical ont été un autre type important et peut-être inhabituel d'événement de musique électronique qui ressemblait à un festival. Elles étaient destinées aux professionnels de l'industrie musicale et avaient plus ou moins la structure d'un salon professionnel, englobant des panels de discussion, des événements de mise en réseau, des ateliers, des conférences et des expositions de nouvelles technologies liées à l'industrie. L'une des premières conférences musicales a été la Winter Music Conference de Miami, organisée pour la première fois en 1981, suivie par l'Amsterdam Dance Event en 1996.

Le nouveau millénaire a été en particulier marqué par la croissance continue de la musique dance électronique (EDM) et de ses sous-genres, ainsi que par leur diffusion aux États-Unis (par exemple, le dubstep promu par le musicien américain Skrillex). C'est principalement le duo français Daft Punk qui a changé la perception globale de la musique dance électronique lorsqu'il a lancé sa tournée mondiale 2006-2007 au festival Coachella, près de la ville d'Indio, en Californie. Alors que Daft Punk et Coachella 2006 ont définitivement marqué un tournant pour la musique électronique en tant que partie intégrante de la culture grand public - car c'était plutôt une expérience convergente pour de nombreux auditeurs à travers les États-Unis -, ce n'est qu'en 2010 que les premiers festivals purement dédiés à la musique électronique ont commencé à apparaître aux États-Unis.

Un mouvement global de création de festivals, axés autour des sous-genres EDM, a suivi à la fin de la première et de la deuxième décennie du 21e siècle, adoptant des éléments des concerts pop/rock à grande échelle et prenant le format de méga-événements en plein air. Parmi les plus populaires: Tomorrowland en Belgique (2005), Electric Daisy Festival à Las Vegas, aux États-Unis (1991), Ultra Music Festival à Miami (1999), Airbeat One Festival en Allemagne (2002) ou encore Balaton Sound en Hongrie (2007).

À l'heure actuelle, les festivals de musique électronique, tout comme les artistes de musique électronique, jouissent d'une popularité croissante malgré les pertes financières subies par le secteur en 2020. Il semble même qu'un grand festival de musique électronique ait lieu chaque semaine, les États-Unis étant, ironiquement, le plus grand marché pour les festivals EDM aujourd'hui. En 2021, la musique électronique a dominé les festivals en plein air, et l'EDM est resté le genre le plus populaire dans les grands festivals de musique électronique, représentant plus de 20 % des programmations.